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grandeurs et misères d’une victoire

« Le général Foch est chargé, par les gouvernements britannique et français, de coordonner l’ac-

    chaque instant, semblant tout près, une violente canonnade : c’était le canon allemand, qui, en effet, était là, à quelques kilomètres, rappelant à la réalité et faisant songer « à la grande partie qui était en train de se jouer ».

    Tous ces hommes qui étaient là dans ce modeste square, tous ces Français qui étaient très au courant de la situation, se rendaient bien compte de l’importance de cette journée. Voilà pourquoi, sous des dehors calmes, au fond, une grande angoisse étreignait leur cœur.

    Mais le temps passait, et les Anglais n’arrivaient toujours pas…

    Midi… Toujours personne…

    Enfin, à midi cinq, débouchèrent les automobiles de lord Milner, accompagné du général Wilson…

    Alors commença la conférence franco-anglaise ; il était midi vingt.

    M. Clemenceau posa aussitôt la question d’Amiens. Le maréchal Haig affirma qu’il y avait là, en effet, un malentendu ; que non seulement il n’avait jamais songé à évacuer Amiens, mais qu’il avait bien la ferme intention de réunir toutes les divisions dont il pourrait disposer pour renforcer sa droite, qui, évidemment, constituait son point faible, et par conséquent celui des Alliés. Il tiendra donc au nord de la Somme, il en répond absolument ; mais, au sud de cette rivière, il ne peut plus rien ; il a d’ailleurs mis sous les ordres du général Pétain tous les éléments de la Ve armée qui restent… Ce à quoi répond le général Pétain : « Il en reste bien peu et, en vérité, on peut dire que cette armée n’existe plus. » Le maréchal Haig ajouta encore qu’il serait peut-être obligé de rectifier sa ligne devant Arras, mais ce n’était pas encore certain ; il espérait même pouvoir éviter ce pis aller. Tels étaient les moyens dont il disposait ; à son tour, il demandait aux Français de vouloir bien exposer les leurs.

    La parole fut alors donnée au général Pétain, qui exposa la situation telle qu’il la voyait et telle qu’elle était en réalité, c’est-à-dire assez sombre, et fit ressortir toutes les difficultés auxquelles il se heurtait depuis le 21 mars. Il ajouta que, depuis la veille, depuis l’entrevue à Compiègne, il avait recherché tous les moyens pour parer à cette situation et qu’il était heureux de pouvoir annoncer qu’il arriverait peut-être à jeter vingt-quatre divisions dans la bataille, mais, bien entendu, des divisions qui étaient loin d’être fraîches et dont la plupart venaient de se battre. En tout cas, il estimait