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l’unité du commandement

l’Yser — et lui qui la gagna. Si elle avait été perdue, c’est lui qui en aurait porté la responsabilité.

Je n’ai pas à faire apparaître ici les sombres réalités de notre situation militaire d’avant guerre. On sait que le premier effet de notre impréparation fut d’ouvrir le territoire français à l’ennemi. Personne ne s’est présenté jusqu’ici pour prendre la responsabilité de notre manque d’artillerie lourde à tir rapide, ainsi que de la scandaleuse insuffisance de nos mitrailleuses, fautes si graves que, sans les réactions de la Marne, de la frontière à Paris, notre territoire, se trouvait emporté. Si beau qu’il fût, le redressement de la défaite ne pouvait épuiser l’élan de l’offensive ennemie. Le résultat de la première bataille fut de décider que la guerre poursuivrait son cours en territoire français où les armées allemandes se mirent à organiser le ravage systématique de nos villes industrielles et de nos campagnes, avec l’asservissement des populations.

Qui donc est responsable de cette faute initiale ? Ne peut-on nous le dire, ou, tout au moins, feindre de le chercher ? Si jamais l’historien s’avise de poser timidement cette question, j’en profiterai pour lui en poser une autre. Était-il interdit de prévoir que l’Allemagne ferait faillite à sa propre signature en violant la neutralité belge ? Qu’est-ce donc qui pouvait l’empêcher de prendre à cet effet certaines dispositions militaires ? Qui donc ne connaissait l’état d’esprit allemand ? Qui donc pouvait croire qu’un obstacle moral était de nature à arrêter hommes ou chefs, un seul moment ? J’ai eu sous les yeux l’ouvrage du colonel Foch