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entrée en matière

dégager Verdun ne s’en trouvèrent pas moins tenus de limoger Foch « pour l’exemple ». Cette affaire s’éclaircira quelque jour. Mais pour que M. Poincaré, très soucieux des responsabilités, ait écarté du combat le soldat de la Marne et de l’Yser, on peut croire qu’il avait fallu de graves raisons. Ils ont fini tous deux par se comprendre. L’histoire n’en sera pas étonnée.

Pour moi, dès mon arrivée au ministère, je repris naturellement mes bons rapports avec le nouveau chef. J’escomptais toujours l’effet de ses talents stratégiques. Quant à lui, avec ou sans buste, il avait succédé à son ancien rival dans la familiarité du chef de l’État. Chacun jouait désormais sa partie sur la carte de confiance réciproque qui lui paraissait la plus sûre.

Avant de pousser plus loin, je tiens à déclarer expressément que ce livre ne doit pas être considéré comme un cahier de mémoires. On m’a mis en demeure de répondre sur certains points, je réponds, mais sans me dégager des considérations d’ensemble qui s’imposent en pareil sujet. Pendant plus de dix ans, il ne m’en a pas coûté de garder le silence, malgré les attaques qui ne m’ont pas été ménagées, et ce n’est certes pas la crainte du débat qui m’a retenu.

J’avais simplement considéré que, dans la situation redoutable faite à notre pays, une extrême réserve m’était commandée — et jusqu’au dernier mot de ce livre, je regretterai de m’en être départi. Après l’effroyable saignée que la France a subie, il apparaît qu’elle a réagi moins virilement dans la paix qu’aux grands jours de l’épreuve militaire. Ses « gouvernants », tous à peu près de même mesure, semblent avoir ignoré qu’il ne faut