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l’europe de droit

pour installer dans la vie internationale des conceptions commençantes de droit à développer, il paraît que ce n’est pas assez pour les metteurs en œuvre de la paix à reculons, qui n’ont eu qu’à abandonner pas à pas ce que nos grands soldats avaient gagné.

Ce qui a échappé au maréchal Foch — ce dont je ne m’étonne pas — et à M. Poincaré — ce qui n’est pas sans me surprendre — c’est qu’après le coup de force allemand de 1914, avec accompagnement de toutes les turpitudes de barbarie, il n’y avait pour nous que deux sortes de paix à envisager : le maintien d’une domination militaire dont notre coalition garderait le dépôt, après l’avoir enlevée aux Allemands, ou le groupement de cohérences représentatives d’un droit européen, capable de former une barrière irréductible aux turbulences de la conquête. Maintenir les choses dans le statu quo ante pour nous exposer aux mêmes aventures que devant, ou conserver, sous quelque forme que ce fût, l’alliance victorieuse dont l’un des grands avantages était de ne pouvoir constituer, en aucun cas, un facteur de domination.

L’Europe est une vieille terre de culture flottante, qui se fait honneur d’avoir reçu des plus hautes sources de l’histoire humaine des vues d’idéalisme civilisateur orientées par de grands mots vers les destinations inconnues d’une humanité surhumaine, plus solidement installée dans les mots que dans les faits. L’Asie, qui plonge par ses origines jusqu’au plus profond de la nuit des temps, a déversé sur tous les continents de la terre le trop-plein de ses synthèses pour des explosions de bien et de mal, dont les effets plus