Page:Clemenceau - Grandeurs et misères d'une victoire, 1930.pdf/105

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
95
l’armistice

barbarie, tandis que le quantum d’une civilisation hellénique, même vaincue, n’est pas près de s’épuiser. Notre défaite eût infligé à la civilisation de l’espèce humaine un recul dans la violence et dans le sang. La question est de savoir quelle somme de régénération peut et doit fournir notre victoire, si elle est maintenue.

La vérité est que le soldat allemand et le civil allemand se trouvaient simultanément au bout de leurs efforts de conquête, tandis que du côté français on luttait pour l’existence, avec le magnifique ensemble des vertus guerrières chez nos bons alliés — sauf la commune ration de dégénérescence qui fut, en tous pays, le stigmate de « l’embusqué ». Le combattant français, à la veille de l’armistice, était aussi ferme soldat qu’à aucun moment de la guerre.

Oui ! Oui ! J’entends bien. Il y avait eu les mutineries, quand le commandement flottait. Quelques jours de mauvaises paroles, non pas pour précipiter la fin de la guerre, mais pour rendre tous les chefs solidaires de quelques-uns qui ne leur avaient pas donné la victoire. Je les ai vus, ces « mutins ». Je leur ai parlé. Il n’était besoin pour en venir à bout que de leur montrer l’Allemand. L’homme le plus dangereux était peut-être celui qui ne parlait pas. D’une fin de la guerre il ne fut jamais question. J’ai vu des gestes imprécis de colère. Tous ces « mutins » n’attendaient qu’une occasion de rentrer dans le rang. D’une façon générale on peut dire que tout s’apaisa sans répression, au seul cri de « En avant ! »

Les violences contre la civilisation de l’homme sont réprimées en fin de compte par leurs propres excès, et je découvre ainsi dans les formations