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au soir de la pensée

contrer dans Leucippe, Démocrite ou Épicure, on trouve l’atome jusque dans Manou — haute généalogie. On a philosophé d’imagination sur l’atome en attendant l’expérience. De fortune, l’hypothèse entre enfin dans le domaine des phénomènes positifs : voilà l’événement. La physico-chimie, déjà, s’était emparée de l’atome pour nous parler de sa masse, de son poids, de ses constructions. Désormais, l’atome n’est plus l’X immobile caché tout au fond de l’extrême résidu des choses dans le creuset mondial obstinément clos. Il est, sinon l’élément du Cosmos, tout au moins un élément des éléments.

De même chance que l’atome, bientôt se trouvera peut-être, un jour, l’hypothèse — non moins ancienne mais aujourd’hui encore imaginaire, faute d’observation positive — d’un milieu où le corpuscule est appelé à se mouvoir. Ce fut, et c’est jusqu’à nouvel ordre, « l’éther » qui n’est pas encore tombé sous nos objectifs, mais sans lequel, jusqu’ici, aucune conception des énergies en action n’a pu tenir. La théorie électro-magnétique, par exemple, ne peut se passer du milieu dit « éther ». Dans la nuit de son antre, éclairé de ses propres feux, la particule d’atome, dénommée « électron », attendait, depuis toujours, l’heure qui vient de sonner. « Fusées de projectiles électriques manifestant l’énergie atomique », voilà jusqu’où nous pouvons présentement nous aventurer.

En cette forme, l’hypothèse de l’unité substantielle, selon Démocrite, paraît confirmée, bien que l’atome, avec ses électrons, son noyau, ses protons, se montre fragmenté. Il faut attendre encore. Les transmutations (ou désintégrations) de l’uranium en radium, aussi bien que de l’uranium et du radium en hélium, avec les évolutions de l’atome annoncées par sir Ernest Rutherford, ouvrent un champ d’expérience qui demandera, sans doute, beaucoup de temps pour une rigoureuse synthèse de positivité.

De croire que l’atome d’un corps, dit simple, plomb, cuivre, fer ou soufre, gardera toujours son individualité c’est à quoi ne nous conduisent pas nos observations. Trop d’inconnu subsiste encore aux phénomènes, dits de « désintégration », dans les substances radio-actives. La recherche des poids atomiques a fourni à la chimie des éléments d’une observation précieuse, expérimentalement confirmée, où des successions de nouveaux rapports dans les « corps simples » sont venues se ranger. C’est alors que