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vestiges du passé. Analogue évolution du système dentaire et de toutes autres parties du squelette. Les savants américains croient pouvoir distinguer douze stades de ces transformations. Au vrai, le nombre en est probablement incalculable. En tout cas, la généalogie du cheval est aujourd’hui connue, au moins dans ses grands traits.

Mêmes témoignages des pachydermes, des ruminants. Les pattes des ruminants sont formées d’un canon, comme celles du cheval, mais chez eux le canon est formé de la soudure de deux os. Chez le fœtus, les deux os ne sont pas encore soudés. Les successives transformations des pattes ne sont pas moins clairement établies par le témoignage des pièces osseuses que chez les solipèdes. Le cheval serait issu de pachyderme aux doigts impairs, l’antilope et le cerf de pachydermes aux doigts pairs. Même histoire des proboscidiens, avec mêmes tableaux de transformations à l’appui. Inutile d’aller plus loin.

Dans les diversités du tertiaire sont apparus des lémuriens ou singes inférieurs, à dentition de pachyderme, puis les singes du miocène, conduisant, par les anthropoïdes, — chimpanzé, orang-outang, gorille, — aux vestiges du pithécanthrope encore insuffisamment caractérisé. Des gens très graves se demandent s’il faut classer la calotte crânienne du pliocène de Java parmi les anthropoïdes, ou dans quelque catégorie du genre Homo. Simple question de mots. Après les enchaînements constatés de la vie animale, il est vain de s’attarder à la recherche de cloisons verbales qui ne correspondent à aucun état de positivité. Le crâne pithécanthropique, de forme très surbaissée, a un volume intermédiaire entre celui des grands anthropoïdes et celui de l’extrême primitif humain de l’âge quaternaire. Les graphiques montrent plus de différence du crâne de Néanderthal (reconnu pour humain) à l’homme civilisé de nos jours que du chimpanzé au pithécanthrope javanais. Cela en dit assez.

M. Albert Gaudry n’a pas écrit moins de trois gros volumes sur les enchaînements du monde animal. Une science attentive en étendue comme en profondeur, servie par une remarquable acuité de vision, a permis a l’éminent observateur de pousser fort loin ses analyses. L’ouvrage est d’une importance capitale, moins par ses conclusions qui ne vont pas au delà des immédiates