Page:Clemenceau - Au soir de la pensée, 1927, Tome 2.djvu/44

Cette page a été validée par deux contributeurs.
39
l’atome

pas loisible de refuser le débat aux profondeurs duquel peut se cacher un partiel soulagement d’intelligence qui ne sera jamais superflu.

Quelle qu’elle soit, il n’est pas une proposition de l’homme qui puisse être dogmatiquement déclinée, encore moins imposée. Dans l’ordre des sciences positives, qui pourrait dire, pour l’avenir, la valeur décisive d’un oui ou d’un non bien placés ? Des parties de victoire peuvent préparer des parties de défaite et réciproquement. Les querelles de la scolastique nous paraissent fort vaines aujourd’hui, parce que notre vie s’écoule en des formes différentes de compréhensions, d’émotivités. Le nominalisme ou le réalisme des catégories ou des espèces ne soulèvent plus les passions de la foule, ni même de l’élite. Il n’en est pas moins vrai que la question de fond s’y trouva rationnellement impliquée, et que les plus grands esprits, en des crises de vie et de mort, y apportèrent le plus vif des passions de notre humanité. Le monde a changé, « évolué ». Sous l’effort de recherches qui ne s’arrêteront qu’avec nous, les mêmes questions fondamentales, dans les données des connaissances nouvelles, se présentent au débat en des formes qui marquent une assez belle étape de notre marche à la conquête de l’inconnu.

La métaphysique ne nous apportera jamais qu’un verbalisme de tautologies, puisque les entités ne sont rien qu’une répétition du problème, déplacé, mais non résolu. Il faut donc toujours en arriver à l’observation positive pour une juste discipline de la pensée. Notre connaissance procédant le plus souvent de méconnaissances redressées, le problème « matière-énergie » se précise en des données d’expérience qui permettent au moins de le mieux poser. Se pose-t-il vraiment dans les termes où nous avons accoutumé de le faire ? La conception d’une entité matière qui serait immobile, et que la survenue de l’entité mouvement jetterait dans l’action, peut-elle correspondre à la nature des choses ? Nous ne pouvons plus l’affirmer comme il parut si simple de faire autrefois.

Le monde est de mouvements ? Dans les conditions de notre organisme pensant, pouvons-nous concevoir le mouvement hors de quelque chose qui se meut ? Ce quelque chose provisoirement dénommé matière, peut-il être défini par nous comme immobile de nature, jusqu’à la survenue d’une énergie motrice qui ne se peut concevoir isolément ? Dissociées par l’abstraction, matière