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AU SOIR DE LA PENSÉE

sèrent sombrer l’astronomie d’observation dans les interprétations mythiques de l’astrologie, confondue avec l’astronomie jusqu’à Ptolémée, c’est-à-dire pendant une cinquantaine de siècles, selon la remarque de Bailly[1]. Depuis deux cents ans seulement, nous l’avons vu rejeter au barathre des méconnaissances. Rien ne montre mieux l’incroyable vitalité des plus absurdes rêveries, tandis que les élémentaires données de l’expérience trouvent encore tant d’esprits rebelles au plus simple effort de constatation.

On n’attend pas de moi une histoire de l’astrologie. Rien ne marquerait mieux, cependant, de la Chaldée à Hipparque, à Ptolémée, la persévérance de l’homme dans son effort d’accommodation des astres aux mouvements de sa propre destinée. Les voies de l’astronomie positive et de l’astrologie imaginative sont trop éloignées l’une de l’autre pour se jamais rencontrer. D’ailleurs, les résistances du dogme à l’observation méthodique seront autrement redoutables que celles de la sorcellerie. La leçon venue d’un esprit de haute science tel que Tycho-Brahé, réagissant contre Copernic pour ramener la terre immobile au centre du monde, n’est peut-être pas moins suggestive que l’incomparable effort de Copernic lui-même pour se dégager des Révélations (« définitives ») de la théologie. Le malheureux Galilée, avant les éclatantes corroborations de Képler fixant les révolutions planétaires, revint à Copernic pour le tragique accomplissement d’une implacable destinée.

Le mouvement du soleil dans un orbe incliné à l’équateur, avec la correspondance des saisons, aussi bien que de la lune avec ses phases, les éclipses, — inexplicables jusqu’au jour où la preuve de la connaissance put se faire par la sûreté des prédictions, — les planètes, la terre et sa sphéricité, les constellations, le zodiaque, furent des découvertes de conséquences capitales en des temps qui n’auront pas d’histoire. « Nous pouvons seulement, dit Laplace, juger de leur haute antiquité par les périodes astronomiques qui nous sont parvenues et qui supposent une suite d’observations d’autant plus longues que ces observations étaient plus importantes. » Lisez dans la limpide Expo-

  1. Nous en avons gardé, dans le langage courant, des formules comme celle qui nous fait « naître sous une bonne ou une mauvaise étoile ».