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de France que mon marchand de vin me fournissait ; ils étaient très purs, mais très chers. »

Voici une autre visite de Casanova dans une taverne :


« …J’allai dîner à Star-tavern, où l’on m’avait dit que l’on trouvait les filles les plus jolies et les plus réservées de Londres. C’était de lord Pembroke que je tenais cette nouvelle ; il y allait fort souvent. En arrivant à la taverne, je demande un cabinet particulier, et le maître, s’apercevant que je ne parlais pas l’anglais, vint me tenir compagnie, m’aborda en français, ordonna ce que je voulais et m’étonna, par ses manières nobles, graves et décentes, au point que je n’eus pas le courage de lui dire que je désirais dîner avec une jolie Anglaise. Je lui dis à la fin, avec des détours très respectueux, que je ne savais pas si lord Pembroke m’avait trompé en me disant que je pourrais trouver chez lui les plus jolies filles de Londres.

« — Il ne vous a point trompé, monsieur, et si vous en désirez, vous pouvez en avoir à souhait.

« — Je suis venu dans cette intention.

« Il appelle, et un garçon fort propre s’étant présenté, il lui ordonna de faire venir une fille pour mon service, du même ton qu’il lui aurait dit de m’apporter une bouteille de champagne. Le jeune homme sort et quelques minutes après je vois entrer une fille aux formes herculéennes.

« — Monsieur, lui dis-je, l’aspect de cette fille ne me revient pas.

« — Donnez un shilling pour les porteurs et renvoyez-la, On ne fait pas de façons à Londres, monsieur.

« Ce propos m’ayant mis à mon aise, j’ordonnai qu’on donnât un shilling et qu’on m’en amenât une autre plus