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la défensive.

tares de Crimée sur les bords de la mer Noire à l’extrémité du monde des États européens, se trouvait placé en leur plein milieu sur les rives mêmes de la Vistule. Et qu’on ne nous accuse pas de parler ici avec mépris de la nation polonaise pas plus que de vouloir en justifier le partage, nous ne cherchons qu’à présenter les choses telles qu’elles se sont produites. Or depuis un siècle la Pologne n’avait plus joué aucun rôle politique et était devenue un sujet constant de difficultés et de discorde pour les autres États du continent. Restés Tartares par leurs mœurs, par leur administration, par la forme même de leur gouvernement, les Polonais, ainsi arriérés, ne pouvaient plus désormais se maintenir parmi les peuples de l’Europe qu’au prix d’un changement radical de leur organisation. Un demi-siècle eût suffi d’ailleurs à cette révolution si les gouvernants y eussent été portés de bonne volonté, mais ils étaient eux-mêmes beaucoup trop foncièrement Tartares pour désirer un pareil changement, et, hommes d’État aussi insouciants que politiques légers, ils laissèrent ainsi leur nation vivre sur le bord de l’abîme jusqu’à ce qu’enfin elle y tombât.

Longtemps avant son partage la Pologne ne présentait déjà plus à l’esprit l’idée d’un État indépendant et fermé sur ses frontières ; les Russes y étaient comme chez eux et y jouissaient d’une liberté de circulation absolue ; rien n’est plus certain même que c’est le fait seul du partage de la Pologne qui a empêché que ce pays ne devînt peu à peu, tout simplement et sans bruit, une province russe.

S’il n’en eût pas été ainsi, si la nation polonaise eût encore été capable de quelque réaction, la Prusse, l’Autriche et la Russie ne se seraient pas si facilement décidées à en faire le partage, et celles des puissances européennes qui se trouvaient le plus intéressées à son