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chap. vi. — moyens spéciaux de la défense.

Les exemples historiques sont nombreux dans lesquels l’opposition de la majorité des États de l’Europe a empêché ou annihilé des changements qui eussent par trop compromis l’équilibre existant.

Le partage de la Pologne présente cependant une exception frappante à cette règle générale, exception de laquelle nous ne saurions nous dispenser de parler ici, non seulement parce qu’elle fait particulièrement partie du sujet qui nous occupe, mais aussi parce qu’elle sert invariablement d’argument à tous ceux qui nient la possibilité d’un équilibre politique quelconque.

En effet, quand on ne recherche que superficiellement les causes qui ont amené la disparition de la Pologne, on est tout naturellement porté à regarder ce fait comme la preuve la plus irréfragable que les intérêts généraux peuvent parfois être impuissants à assurer le maintien des individualités. Il paraît fort étrange, au premier coup d’œil, que le partage d’un État de huit millions d’habitants ait pu s’effectuer au profit de ses trois voisins, alors surtout que deux de ces voisins, l’Autriche et la Russie, comptaient déjà parmi les plus grandes puissances du continent, sans qu’aucun des autres gouvernements de l’Europe n’ait tenté de lui porter secours et de s’opposer par les armes à un acte d’une pareille gravité. Nous répondons à cela tout d’abord, qu’un fait particulier, quelque frappant qu’il puisse être, ne prouve rien contre la généralité des cas, et nous prétendons, en outre, que la chute de la Pologne est, en somme, bien moins incompréhensible qu’elle ne le paraît être.

Pouvait-on, au XVIIIe siècle, considérer encore cette puissance comme un membre homogène de la grande république européenne ? Évidemment non ; c’était un État tartare qui, au lieu d’être situé comme les Tar-