Page:Clausewitz - Théorie de la grande guerre, II.djvu/364

Cette page a été validée par deux contributeurs.
358
la défensive.

On ne saurait peut-être découvrir, dans l’histoire des guerres, une erreur comparable à celle qui fut commise en 1792 dans l’appréciation de la situation et dans le dispositif de la campagne. On crut qu’il suffirait d’une coalition de médiocre puissance pour donner le coup de grâce à une nation déjà troublée par des luttes intestines, et l’on attira ainsi sur soi l’incomparable force d’action de la nation française sortie de ses gonds et lancée dans la carrière par le fanatisme politique. Si grande qu’ait été cette erreur, on ne saurait cependant prétendre qu’il eût été facile de l’éviter. Quant à la manière dont la guerre fut conduite, il faut reconnaître que les désastres des années suivantes ont tous eu leur germe dans la campagne de 1794. Les généraux alliés, ne soupçonnant pas la nature énergique de l’attaque, ne lui opposèrent, dans cette campagne, qu’un système mesquin de positions étendues et de manœuvres stratégiques, tandis que, par le fol abandon de la Belgique et des Pays-Bas ainsi que par la désunion qui se manifesta entre la Prusse et l’Autriche, ces deux gouvernements montrèrent combien peu ils avaient conscience de la violence du torrent qui faisait irruption.

Montenotte, Lodi et les autres actes isolés de la résistance, en 1796 en Italie, témoignent que, à cette époque même, les Autrichiens n’avaient pas encore compris l’énergie de l’action de Bonaparte.

En cédant le terrain aux Français, lors de sa catastrophe en 1800, Mélas obéit moins à l’effet direct de l’attaque qu’à l’impérieuse nécessité de parer aux suites probables d’une surprise qu’il n’avait pas su prévoir.

La capitulation d’Ulm, en 1805, fit enfin comprendre qu’on n’avait plus affaire à Daun ou à Lascy et que, avec Napoléon Bonaparte souverain de la France révolutionnaire, il fallait renoncer à la savante mais stérile méthode des manœuvres stratégiques.