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la défensive.

péréquation des forces, que lorsque, de part et d’autre, on porte toutes les forces sans exception à la recherche d’une grande solution.

C’est cependant le sentiment contraire qui fit accorder aux manœuvres stratégiques la fausse importance que nous avons signalée plus haut. On en arriva ainsi à considérer la prudence de calcul et l’habileté de direction comme le summum de la valeur intellectuelle chez un général en chef. C’est une profonde erreur, et il est incontestable que les autres qualités morales du commandement que nous venons d’énumérer peuvent, dans les moments de grande solution, en imposer à la puissance même des circonstances. Quant aux résultats restreints que les manœuvres stratégiques sont hors d’état de dépasser, par un raisonnement aussi faux que le précédent, on en attribuait alors le peu de portée à l’habileté réciproque des généraux en chef, tandis qu’il eût fallu surtout en chercher le motif dans l’égalité des forces que les adversaires portaient en ligne dans cette lutte d’adresse.

Comme, dans la majorité des guerres entre peuples civilisés, les armées opposées, au lieu de s’entre-détruire, ne cherchaient alors qu’à s’observer réciproquement, l’action militaire, dans le plus grand nombre des campagnes de cette époque, revêtit nécessairement le caractère des manœuvres stratégiques. Dès lors, laissant passer inaperçues celles de ces campagnes qui ne furent dirigées que par des généraux sans grande réputation, on regarda celles où des généraux tels que Turenne et Montecuculli se trouvèrent en présence comme des modèles de perfection et les sources auxquelles on devait recourir de préférence dans l’étude de l’art de la guerre.

Cette manière de voir était à peu près celle de tous les théoriciens lorsque éclatèrent les guerres de la