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chap. xxix. — résistance successive.

mot, que, dans chacune des trois rencontres, la sphère de la victoire eût atteint Moscou et n’eût pas dépassé cette ville.

Au chapitre VIII de ce livre, nous avons donné le nom de retraite volontaire dans l’intérieur du pays à un procédé spécial de résistance basé sur l’extrême retardement de la solution, et montré que ce procédé constituait un mode indirect de défense dans lequel on se propose d’amener l’épuisement de l’attaque bien plutôt par les efforts incessants auxquels on la contraint, que par la résistance à main armée qu’on lui oppose. Or il est clair que, sans en arriver à cet extrême, le défenseur peut aussi retarder la solution en la faisant passer successivement par un nombre infini de degrés dont chacun est susceptible de se combiner avec tous les moyens défensifs. La coopération du théâtre de guerre cesse alors d’être absolue, elle n’impose plus, comme dans le procédé précédent, une forme spéciale à la défense, et ne s’accentue, au contraire, qu’à la volonté seule du défenseur qui, restant désormais libre d’utiliser tout ou partie des éléments fixes de la résistance, modifie dès lors la forme de la lutte selon les circonstances et les besoins de la situation.

Si donc, au début de l’invasion, le défenseur estime pouvoir se passer de l’appui de ses instruments fixes de résistance, ou s’il juge que leur coopération immédiate lui coûterait de trop grands sacrifices, il peut les considérer, néanmoins, comme des éléments de force qu’il laisse en réserve et qui lui permettront, si la chose est nécessaire, de faire suivre une première solution, à laquelle il n’engagera tout d’abord que ses forces mobiles, d’un deuxième et peut-être d’un troisième acte résolutif.

Par ce procédé, la défense peut donc recourir à l’emploi successif de ses forces. On conçoit, en effet, qu’après avoir perdu une bataille à la frontière le

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