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chap. xxvii. — défense d’un théâtre de guerre.

de l’acte de la guerre et à diviser ses forces dans l’espace ? Nous répondrons que c’est l’insuffisance de la victoire qu’il pourrait remporter en combattant avec toutes ses forces réunies. Toute victoire a sa sphère d’action. Si la totalité de l’État ennemi se trouve atteinte dans sa défaite, si, en d’autres termes, toute sa force armée, tout son territoire, tous les facteurs de sa puissance sont entraînés dans le mouvement imprimé à son centre de forces, il va de soi que la victoire est suffisante et que tout partage des moyens d’action serait sans motif. Mais, s’il existe des parties de la puissance militaire ennemie et des portions des territoires réciproques sur lesquelles la victoire reste sans influence, il faut aussitôt avoir égard à ces objets, et, dès lors, le territoire ne se concentrant pas comme la force armée, on est contraint de disséminer celle-ci pour la protection de celui-là.

Une semblable unité des forces armées ne serait possible et n’amènerait vraisemblablement de solution que sur de petits États très arrondis. Elle est pratiquement impossible lorsqu’il s’agit de défendre de grandes surfaces de territoire ou de repousser une invasion que des puissances alliées effectuent de plusieurs côtés à la fois. Dès lors il faut nécessairement avoir recours au partage des forces sur des théâtres de guerre différents.

La sphère d’action d’une victoire dépend naturellement de la grandeur de cette victoire, et la grandeur de la victoire de la masse des troupes vaincues. C’est donc sur le point où se trouvera réunie la plus grande quantité des forces armées de l’ennemi, que devra se produire le choc qui, s’il réussit, amènera la plus grande somme d’effets, et on y arrivera d’autant plus sûrement qu’on y consacrera soi-même des forces armées plus nombreuses. Il y a donc une grande analogie entre le centre des forces à la guerre et le centre de gravité en mécanique.