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chap. xxvi. — la nation en armes.

masse sur une position défensive, elles doivent se disperser pour commencer bientôt à surprendre et à harceler les troupes envahissantes. Quelque courageux que soit un peuple, quels que soient ses instincts guerriers et sa haine de l’étranger, lors même que le sol du pays se prête particulièrement à la défense, on ne peut méconnaître que l’action insurrectionnelle ne se saurait maintenir dans un milieu trop foncièrement dangereux. Si les grands instincts nationaux doivent quelque part se condenser et former un instrument de résistance effective, ce ne peut donc être que sur des points tels qu’ils y trouvent l’espace nécessaire à leur développement, et n’y soient pas exposés aux coups trop puissants de l’attaque.

Il n’est, d’ailleurs, pas encore possible de traiter le sujet avec une autorité suffisante. C’est un phénomène qui, jusqu’ici, ne s’est que rarement produit, sur lequel il n’existe que peu de témoignages, et dont nous ne pouvons parler que par intuition.

Les milices et les populations armées peuvent coopérer de deux manières différentes au plan stratégique de défense : comme forces auxiliaires avant qu’aucune grande action se soit produite ; comme ressources suprêmes après une bataille décisive perdue.

Nous n’avons ici à tenir compte que du second de ces cas, car le premier laisse supposer un mode de résistance indirecte, tel, par exemple, que celui de la retraite volontaire de la défense dans l’intérieur du pays, sujets déjà traités précédemment aux chapitres VIII et XXIV de ce livre.

Le sort d’un État, son existence entière ne sauraient jamais dépendre de la perte d’une seule bataille, quelque décisive que soit cette bataille. L’appel de nouvelles classes, la levée en masse des citoyens, l’apparition tardive de secours extérieurs, l’affaiblissement progres-

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