Page:Clausewitz - Théorie de la grande guerre, II.djvu/147

Cette page a été validée par deux contributeurs.
141
chap. xv. — défense des montagnes.

dans les montagnes ne s’étant encore qu’exceptionnellement produite, la plupart des hommes de guerre manquaient de toute expérience à ce sujet. L’histoire ne relate que de très rares circonstances dans lesquelles on ait, avant la guerre de Trente Ans, tiré un parti réel des obstacles du terrain, et effectué une véritable défense des montagnes. La chose était, dans le fait, rarement possible en raison de la profondeur de l’ordre de bataille, des effectifs disproportionnés de la cavalerie, de l’imperfection des armes à feu et de quantité d’autres particularités qui distinguaient les armées de cette époque. Ce ne fut précisément que lorsque l’ordre de bataille s’amincit et que l’infanterie, mieux armée, prit une importance plus grande, que l’on put penser à utiliser les montagnes et les vallées au profit de la défense. Cette méthode n’atteignit cependant son plus haut degré de perfection que cent ans plus tard, environ vers le milieu du xviiie siècle.

Quant au fait incontestable de l’extrême faculté de résistance qu’acquiert un petit poste lorsqu’il est placé sur une position d’un accès difficile, on peut facilement comprendre qu’il ait conduit à ce raisonnement spécieux mais absolument faux, qu’en multipliant le nombre des petits postes et en les espaçant à des distances convenables, on pouvait, dans certaines conditions, donner à un bataillon la puissance d’une armée, et tirer autant de parti d’un mamelon considéré isolément que d’une montagne entière.

Il est certain qu’un petit poste placé en pays montagneux sur une position judicieusement choisie acquiert par cela même une puissance de résistance extraordinaire. Un détachement qui en plaine serait dispersé par quelques escadrons, et devrait alors s’estimer heureux d’échapper par une prompte retraite à la captivité et à la déroute, est parfois en situation, dans les mon-