Page:Claudel - Le Pain dur, 1918.djvu/85

Cette page a été validée par deux contributeurs.
Lumîr

Le pays pacifié, les chemins faits, la terre prête à rendre. Le moment est venu pour votre père et pour Ali de mettre la main dessus.

Louis

N’essayez pas de me faire perdre la tête. Pour le moment, ce n’est pas ma terre que je suis venu sauver.

C’est vous, mon enfant, ma sœur, vierge Lumîr, contessina, mon petit hussard !

Ne dites pas qu’il n’est plus personne au monde qui m’aime pour autre chose que son propre intérêt.

Ma mère a mieux aimé mourir que de me voir et mon père, dès que je suis né, a mis tout son cœur à me détester.

Je me souviens de ces yeux attentifs dont il me regardait, suivant chacun de mes mouvements.

Et toujours plein de politesse. Toujours il me parlait comme à une grande personne.

J’espérais qu’il y aurait quelque part un enfant et un camarade qui serait à moi seul, simplement parce qu’il m’aime le mieux,