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L’ENTRÉE DE LA TERRE


Plutôt que d’en assaillir le flanc de la pointe ferrée de mon bâton, j’aime mieux voir, de ce fond plat de la plaine où je chemine, les montagnes autour de moi dans la gloire de l’après-midi siéger comme cent vieillards. Le soleil de la Pentecôte illumine la Terre nette et parée et profonde comme une église. L’air est si frais et si clair qu’il me semble que je marche nu, tout est paix. On entend de toutes parts, comme un cri de flûte, la note à l’unisson des norias qui montent l’eau dans les champs (trois par trois, hommes et femmes, accrochés des bras à leur poutre, riants, la face couverte de sueur, dansent sur la triple roue), et devant les pas du promeneur s’ouvre l’étendue aimable et solennelle.

Je mesure de l’œil le circuit qu’il me faudra suivre. Par ces étroites chaussées de terre qui encadrent les rizières (je sais que, du haut de la montagne, la plaine avec ses champs ressemble