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TOMBES.-RUMEURS


L’on monte, l’on descend ; on dépasse le grand banyan, qui, comme un Atlas s’affermissant puissamment sur ses axes tordus, du genou et de l’épaule a l’air d’attendre la charge du ciel : à son pied un petit édicule où l’on brûle tous les papiers que marque le mot noir, comme si, au rude dieu de l’arbre, on offrait un sacrifice d’écriture. L’on tourne, l’on se détourne, et, par un chemin sinueux, — vraiment sans que l’on fût ailleurs, car nos pas depuis le départ en sont accompagnés, — nous entrons dans le pays des tombes. Comme un saint en prière dans la solitude, l’étoile du soir voit au-dessous d’elle le soleil disparaître sous les eaux profondes et diaphanes.

La région funèbre que nous envisageons à la blême lumière d’un jour louche est tout entière couverte d’une bourre rude et jaune, telle qu’un pelage de tigre. Du pied au faîte, les collines entre lesquelles s’engage notre chemin, et, du