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intérieurement que mal à propos il regimboit […]. Il dit alors comme S. Paul, Seigneur que voulez-vous faire de moi ? ».[1] A peine eut-il fait sa déclaration que le temps se remit au beau en sorte, qu’il ne paroissoit pas qu’il eut eu un orage.

Se trouvant maistre de son bien par la mort de son père et de disposer de sa personne, et ayant des qualités qui pouvaient le faire briller dans le monde il flottoit encore dans ses desseins et penchoit du côté du civil, mais luy étant arrivé quelque chose d’extraordinaire par le moyen d’une voix qui luy reprochoit son infidélité et qui l’effraya il […] demanda pardon à Dieu et renouvela sa promesse […]. Dans l’incertitude où il étoit du choix qu’il devait faire d’un ordre religieux, car il ne pensoit nullement à l’état ecclésiastique, Dieu luy inspira d’aller faire un voyage à Paris pour consulter des personnes intelligentes et désintéressées pour examiner sa vocation. Il s’addressa a Mrs Cailleaux et Vuyart[2] qui furent par la suitte les 1ers directeurs du séminaire de Laon, ceux qui, avec M. Bourdoise, avoient commencé l’establissement de la Communauté et Séminaire de S. Nicolas du Chardonnet, qui l’addressèrent à des gens consommés dans la vertu et zélés pour la discipline ecclésiastique qui jugèrent tous qu’il pourroit faire plus de profit dans l’Eglise que dans un ordre religieux, pourquoy on luy conseillé de faire les exercices spirituels pour implorer les lumières du S. Esprit touschant le choix qu’il avoit à faire, ce qu’il fit sous la conduite de ces bons prestres [p. 680] qui luy firent gouster l’état ecclésiastique, luy firent connoistre l’excellence et le besoin qu’avait l’Eglise de bons ouvriers pour travailler à la réformation des moeurs du clergé qui étoient fort corrompuës et extresmement dérangées, la pluspart des prestres estant dans l’ignorance et la dépravation, ce qui faisoit gémir les gens de bien qui demandoient à Dieu par de ferventes prières d’avoir pitié de son Eglise et de la regarder d’un œil de miséricorde.

Matthieu Beuvelet suivit les exercices avec une ardeur singulière et un désir parfait de connoître la volonté de Dieu pour la suivre dans l’état où il pourroit luy procurer plus de gloire et travailler à son salut et à celuy des ames. Les oraisons, lectures, méditations et prières qu’il faisoit n’avoient pas d’autre fin. Il y ajouta les pénitences et mortifications et connût enfin d’une manière très sensible que la moisson étoit grande dans l’Eglise et qu’il y avoit peu d’ouvriers, et se détermina avec l’avis de ceux qui le conduisoient à préférer l’état ecclésiastique.

  1. Les guillemets sont de Leleu. Ils signifient que ce passage est textuellement repris d’un Mémoire dont la source ne peut-être, bien évidemment, qu’une confidence de Beuvelet lui-même.
  2. Schoenher, t. 1, pp. 65-66, orthographie Wiart et Calleaux. De même pp. 70-71, 111, 115, 122, 187. "Calleaux" est "l’enfant chéri" de Bourdoise (p. 193).