Page:Clérembray - Flaubertisme et Bovarysme, 1912.djvu/72

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 70 —

fois aux eaux de Forges et depuis, il y eut toujours deux pharmaciens et jamais d’autre que G…, et celui évoqué par M, le docteur Brunon et dont le nom était pourvu de l’initiale M… qui le désigne dans la Normandie médicale.

Au surplus, avant et depuis cette hypothèse, le pharmacien dont il s’agit jouit constamment d’une notoriété de bon aloi, due uniquement à son honorabilité parfaite, à son expérience professionnelle, à son activité commerciale, à sa clairvoyance et à son dévouement, quand il s’agissait des intérêts de la petite ville qu’il habitait, et à la sûreté de son jugement dans des questions d’un ordre élevé.

Il est admissible que son caractère ait justifié l’ancien brocard (Les Glorieux de Forges) omis par Le Roux de Lincy dans son Livre des Proverbes, et par Canel, au Blason de Normandie. Cela n’eut pas fait de lui le Homais de Madame Bovary. Le Glorieux de la station thermale s’est formé au contact de ses hôtes estivaux, des grands et illustres personnages ou plutôt des bourgeois de Paris et d’ailleurs, et le sobriquet qu’on lui applique n’a pas une signification malveillante.

M*** était d’une origine rurale. La cloche de sa paroisse natale porte le nom d’un sien parent, officier municipal, et est remarquable uniquement par une singularité plutôt saugrenue que spirituelle dont il serait aisé d’indiquer l’inventeur : Son inscription est accompagnée d’une feuille de chou ! et date de 1793. Cette feuille, emblème parlant, semble avoir eu pour objet d’exprimer révolutionnairement la joie des habitants de Longmesnil d’être délivrés des seigneurs qui s’étaient disputé le patronage de leur minuscule paroisse, fondé sur des titres en parchemin, désormais sans plus de valeur qu’écrits sur une feuille de chou

C’était en ce village, à 5 kilom. de Forges-les-Eaux, que François-Joseph M*** était né en 1807.

La pharmacie, actuellement occupée par M. Lemarié, maire de Forges, est contiguë à l’Hôtel du Mouton. Comme cet hôtel, elle est très ancienne. Son premier titulaire fut l’un des plus connus de la dynastie des Louette, Antoine-Louis Louette, « chirurgien apothicaire » dès avant 1650. Son fils, Hyacinthe-Louis Louette, avait épousé Louise de Monsures de Sainte-Segrée (1700), fille de Charles de Monsures et de Catherine de Béthencourt, lesquels avaient dix-huit autres enfants. Il se trouvait être ainsi l’apothicaire de France le mieux et le plus apparenté… Le dernier pharmacien du nom de Louette, « élève » de l’Hôtel-Dieu de Rouen, avait obtenu le deuxième prix d’anatomie en 1781. Lors de la vente des livres et tableaux des Capucins de