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SECONDES ACADÉMIQUES.

d’une vie heureuse. Ils voyaient dans l’homme le membre d’une grande cité et du genre humain tout entier, et le regardaient comme lié avec tous les hommes par les liens d’une certaine société universelle. Voilà ce qu’ils pensaient sur le souverain bien conforme à la nature ; ils estimaient que les autres avaient pour effet ou de l’accroître, ou de le maintenir. Et c’est ainsi qu’ils arrivaient aux trois parties de leur division des biens.

VI. C’est là cette division que l’on attribue d’ordinaire aux péripatéticiens, et avec raison, car elle leur appartient ; mais une très-fausse opinion serait de croire que les académiciens, comme on les nommait alors, et les péripatéticiens, fissent deux écoles. Les uns et les autres employaient cette division, et tenaient que le souverain bien est la possession de ces premiers trésors de la nature que l’on doit rechercher pour eux-mêmes, de tous ou au moins des principaux. Les principaux sont ceux dont le siége est dans l’âme et dans la vertu. Ainsi, toute cette ancienne philosophie a pensé que c’est dans la vertu seule que réside le bonheur, lequel toutefois ne serait pas complet si l’on ne réunissait en outre les biens du corps et les autres dont nous avons parlé plus haut, et qui donnent tant de facilités à l’exercice de la vertu. De ces principes découlaient naturellement l’obligation d’agir et la règle des devoirs, dont l’unique fondement était de conserver ce que la nature voulait que l’on conservât. De là résultait la fuite de la mollesse et le mépris des voluptés ; et, en conséquence, on devait s’imposer beaucoup de labeurs et de souffrances, et supporter de rudes épreuves pour la cause du bien et de la justice, et de tout ce qui est conforme à la nature bien entendue ; de là sortaient l’amitié, la justice, l’équité, que l’on mettait bien au-dessus des voluptés et de tous les agréments de la vie. Telle était chez ces philosophes la doctrine des mœurs, la distribution et la teneur de cette partie de la philosophie que j’ai mise en tête des autres.

Vient ensuite ce qui concerne la nature ; ils y reconnaissaient deux principes, dont l’un était la cause efficiente, et l’autre, se prêtant en quelque façon à la puissance du premier, recevait de son opération une forme déterminée. Selon eux, le principe actif contenait une certaine force, et le principe passif, une certaine matière ; mais chacun d’eux aussi renfermait l’autre ; car il est impossible qu’il y ait de la cohésion dans la matière, si elle n’est contenue par aucune force ; tout comme il est impossible qu’il existe une force en dehors de toute matière ; car rien n’est qui ne doive occuper un certain lieu. Le composé de matière et de force constituait le corps, qu’ils nommaient aussi une certaine qualité. Vous me permettrez, sans doute, d’employer quelquefois des termes nouveaux pour exprimer des choses qui n’ont jamais été nommées dans notre langue, comme font les Grecs, qui depuis si longtemps déjà s’occupent de ces sujets.

VII. — Bien certainement, dit Atticus. Nous vous permettons même d’employer les expressions grecques, si les termes latins vous font défaut. — Je vous en remercie ; mais je ferai tous mes efforts pour parler toujours notre langue, tout en employant certains mots, comme ceux de philosophie, rhétorique, physique, dialectique, que la coutume a déjà naturalisés chez nous, avec une foule d’autres. J’ai donc appelé qualité ce que les