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SECONDES ACADÉMIQUES.

le reconnaissez vous-même, prétend dans ses livres, ce que d’ailleurs nous avons entendu de sa propre bouche, qu’il n’y a pas deux Académies, et réfute ceux qui ont introduit cette erreur. — Cela est vrai, repartit Varron ; mais vous n’ignorez certainement pas ce qu’Antiochus a écrit contre cette opinion de Philon. — Non, sans doute ; et je voudrais, si ce n’est pas une demande indiscrète, vous entendre développer les raisons d’Antiochus, et tout le système de l’ancienne Académie, que j’ai abandonnée depuis si longtemps ; mais, si vous le trouvez bon, nous pourrions nous reposer. — Bien volontiers, reprit-il ; car je me sens très-faible. Mais il faut voir s’il plaît à Atticus que je fasse ce dont vous m’exprimez le désir. — Certainement, répondit Atticus ; rien ne pourrait m’être plus agréable que d’entendre rappeler ce que je recueillis naguère de la bouche d’Antiochus, et de voir en même temps si ces idées peuvent être commodément exprimées dans la langue latine.

Après ces mots, nous nous assîmes tous, en présence les uns des autres. Alors Varron commença ainsi : Socrate me paraît être le premier, et tout le monde d’ailleurs en tombe d’accord, qui rappela la philosophie des nuages et de cette poursuite des mystères de la nature, où tous les philosophes s’étaient engagés avant lui, pour s’appliquer à la vie commune, et lui donner pour objet les vertus et les vices et toute la question des biens et des maux. Il pensait qu’il ne nous appartient pas d’expliquer les phénomènes célestes, et que quand même l’homme pourrait s’élever jusqu’à cette science, elle ne leur servirait de rien pour bien vivre. Dans presque tous les discours qu’ont reproduits avec tant de variété et en si grand nombre ceux qui l’avaient entendu, nous voyons que sa méthode est toujours de ne rien affirmer, mais de réfuter les autres ; il confesse son ignorance, et déclare que c’est là son unique science ; il ajoute que la supériorité qu’il a sur les autres, c’est qu’ils pensent savoir ce qu’ils ignorent ; tandis que lui, la seule chose qu’il sache, c’est qu’il ne sait rien ; c’est là, selon lui, le motif qui lui a valu d’Apollon l’éloge d’être le plus sage des hommes ; car toute la sagesse consiste simplement à ne pas estimer que l’on sache ce que l’on ne sait pas. Ce fut là sa maxime constante et son opinion invariable ; aussi tourna-t-il tous ses efforts à louer la vertu, à en inspirer l’amour aux hommes, comme nous le montrent les livres des Socratiques et surtout ceux de Platon. À l’ombre du génie de Platon, génie fécond, varié, universel, s’établit une philosophie unique sous la double bannière des académiciens et des péripatéticiens, qui, d’accord sur les choses, ne différaient que sur les termes. Car Platon, qui avait fait en quelque sorte Speusippe, fils de sa sœur, l’héritier de sa philosophie, laissait aussi deux disciples de grand talent et d’une rare science, Xénocrate de Chalcédoine et Aristote de Stagire : ceux qui suivaient Aristote, furent nommés péripatéticiens, parce qu’ils discouraient en se promenant dans le Lycée ; tandis que ceux qui, d’après l’institution de Platon, tenaient leurs assemblées et dissertaient dans l’Académie, l’autre gymnase d’Athènes, reçurent de ce lieu même le nom d’Académiciens. Mais les uns et les autres, tous pénétrés du fécond génie de Platon, formulèrent la philosophie en un certain système