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ennemis. Les défenseurs de la Macédoine en sont devenus ainsi les dévastateurs. Ils nous ont traversés dans la levée des impôts, ont pris nos villes, ravagé nos campagnes, asservi nos alliés, enlevé nos esclaves, emmené nos troupeaux ; et les habitants de Thessalonique, désespérant de défendre leur ville, ont été contraints de se fortifier dans leur citadelle.

[35] XXXV. Tu as pillé le temple de Jupiter Urius, ce temple le plus ancien et le plus vénérable parmi les barbares. Les dieux immortels ont puni notre armée de tes sacrilèges ; affligés d’une même maladie, nos soldats périssaient dès qu’ils en étaient atteints, et nul ne doutait que les droits de l’hospitalité violée, des ambassadeurs massacrés, des alliés paisibles tourmentés par une injuste guerre, des temples profanés, ne fussent la cause d’une pareille désolation. A ce petit nombre d’exemples, tu reconnais déjà tes cruautés et tes crimes. Rappellerai-je maintenant tant de traits de ta cupidité ? j’en dirai sommairement quelques-uns des plus connus. Les dix-huit millions de sesterces que le trésor t’a donnés pour prix de mon sang, sous prétexte de l’entretien de ta maison, ne les as-tu pas laissés à Rome pour les faire valoir ? Les Apolloniates t’ayant remis à Rome deux cents talents pour être dispensés de payer leurs dettes, n’as-tu pas de toi-même livré à ses débiteurs Fufidius, chevalier romain d’un mérite si éminent ? En abandonnant les quartiers d’hiver au choix de ton lieutenant et de ton préfet, n’as-tu pas ruiné sans ressource de malheureuses villes, qui furent non seulement dépouillées de leurs biens, mais même contraintes de subir les excès horribles des plus infâmes passions ? Quelles bornes as-tu mises à l’estimation du blé, et surtout à celles du blé gratuit, si l’on peut appeler gratuit un blé arraché par la violence et la crainte ? Les Béotiens, les Byzantins, les habitants de la Chersonèse et de Thessalonique, presque tous les peuples se sont ressentis de ces cruelles vexations. Durant trois ans, tu as été seul maître, seul vendeur, seul estimateur de tout le blé dans toute l’étendue de la province.

[36] XXXVI. Que dirai-je des jugements en matières capitales, des compositions faites avec les accusés, des sommes qu’ils te donnaient pour racheter leur vie, de ceux que tu condamnais par cruauté, ou que tu absolvais par caprice ? Dès que tu vois qu’un chef d’accusation m’est connu, tu te rappelles sans peine combien de délits y sont renfermés. Par exemple, qu’était-ce que ce fameux atelier d’armes où, rassemblant tout le bétail de la province sous prétexte de ramasser des peaux, tu renouvelais ces gains immenses faits autrefois par ton père ? car dans ta jeunesse, durant la guerre Italique, tu avais vu ta maison s’enrichir, quand ton père fut chargé de veiller à la fabrication des armes. Et cet impôt que tu mis sur toutes les marchandises, en rendant ta province tributaire de tes esclaves convertis en fermiers publics, t’en souviens-tu ? Te souviens-tu d’avoir vendu ouvertement le titre de centurion, de t’être servi d’un de tes esclaves pour distribuer les grades, d’avoir forcé les villes, pendant tout le temps de ton administration, de payer publiquement les soldats ? Te souviens-tu de ton départ pour le Pont, et de cette folle entreprise ;