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CICÉRON.

ne parussent légers et moins perçants que ceux dont l'a frappé le collègue de son père. II. Mais comme il a semblé à quelques sénateurs que la colère et l'indignation m'ont emporté hier un peu plus loin que la saine raison, je veux me justifier devant eux. Non, la colère et la passion ne m'ont point aveuglé. Je n'ai rien fait qui ne fût mûrement réfléchi et médité depuis longtemps. Il est deux hommes dont je me suis toujours déclaré l'ennemi. Ces deux hommes devaient défendre et sauver ma personne et l'État ; ils le devaient, ils le pouvaient ; ils étaient avertis des devoirs du consulat par les marques même de leur dignité ; votre volonté, que dis-je ? vos prières leur avaient recommandé le soin de ma vie : ils m'ont abandonné, ils m'ont livré, ils m'ont attaqué ; et, pour prix d'un traité infâme, ils ont voulu m'écraser sous les ruines de la république ; pendant leur administration féroce et sanguinaire, ils ont porté dans toutes mes possessions le dégât, l'incendie, le pillage, la dévastation, toutes les horreurs de la guerre, dont ils n'ont pas su garantir les vil-les de nos alliés, et qu'ils n'ont pas eu le couragede porter chez nos ennemis. Oui, j'ai déclaré une guerre implacable à ces brigands, à ces monstres destructeurs, à ces fléaux de notre empire ; moins pour remplir le vœu d'une vengeance personnelle que pour vous venger vous-mêmes, et tous les bons citoyens avec vous. III. Quant à Clodius, ma haine n’est pas plus forte aujourd’hui qu’elle ne l’était ce jour où je le reconnus sous ses habits de femme, à peine échappé des feux de la Bonne Déesse, souillé d'un inceste et chassé de la maison du grand pontife. Ah ! dès lors, j'ai pressenti quelle tempête se formait, quel orage allait fondre sur la république. Je voyais que cette scélératesse effrontée, que cette audace inouïe d'un jeune furieux, d'un noble aigri et irrité, ne pourraient jamais endurer le repos ; et que, s'il restait impuni, l'explosion de sa fureur causerait un jour la ruine de l'État. Depuis ce moment, rien n'a pu ajouter beaucoup à ma haine pour lui. S'il m'a fait du mal, ce n'était point par animosité contre moi ; ce qu'il haïssait, c'étaient les lois, l'autorité, la république. J'ai été victime de ses violences ; mais le sénat, les chavaliers romains, tous les gens de bien, l'Italie entière les ont éprouvées comme moi. En un mot, il n'a pas été plus scélérat envers moi qu'envers les immortels eux-mêmes. Il les a outragés par un crime dont personne n'a donné l'exemple : il a conçu pour moi les sentiments qui auraient été ceux de son ami Catilina, si Catilina eût été vainqueur. Aussi n'ai-je jamais pensé à l'accuser non plus que ce stupide de qui nous ignorerions encore l'origine, si lui-même ne se disait Ligurien. Car pourquoi poursuivrais-je cet animal immonde que mes ennemis se sont attaché par le fourrage et le gland dont ils l’ont nourri ? S’il sent à quel point il s’est rendu coupable, il est bien à plaindre. S’il ne le voit pas, sa stupidité seule pourrait lui servir d’ex- cuse. J’ajouterai que dans l’opinion publique Clodius est regardé comme une victime dévouée et réservée à Milon. C’est Milon qui m’a rendu l’honneur

tem illam singularem, ac pæne divinam, assequi possem ; tamen non dubito, quin ea tela, quæ conjecerit inimiens, quam ea, quæ collega patris emisit, leviora atque herbetiora esse videantur.

II. Sed tamen mei facti rationem exponere illis volo, qui hesterno die dolore me elatum, et iracundia longius prope digressum arbitrabantur, quam sapientis hominis cogitata ratio poslularet. Nihil feci iratus, nihil impotenti animo, nihil non diu consideratum, ac multo ante meditatum. Ego enim, patres conscripti, inimicum me semper esse professus sum duobus, qui me, qui republicam, qium defendere deberent, servare possent ; quumque ad consulare officium ipsis insignibus illiis imperii, ad meam salutem non solum auctoritate, sed etiam precibus vestris vocarentur ; primo reliquerunt, deinde prodiderunt, postremo oppugnaverunt , præmiisque nefariæ pactionis funditus una cum republica oppressum exstinctumque voluerunt ; quique suo ductu, et imperio cruento illo, atque funesto, supplicia neque a sociorum mœnibus prohibere, neque hostium urbibus inferre potuerunt ; excisionem, inflammationem, eversionem, depopulationem, vastitatem eam, sua cum præda, meis omnibus tectis atque agris intulerunt. Cum his furiis et facibus, cum his, inquam, exitiosis prodigiis, ac pæne hujus imperii pestibus, bellum mihi inexpiabile dico esse susceptum : neque id tanem ipsum tantum, quantum meus ac meorum, sed tantum, quantum vester atque omnium bonorum dolor postulavit. III. In Clodium vero non est hodie meum majus odium, quam illo die fuit, quum illum ambustum religiosissimis ignibus cognovi muliebri ornatu,ex incesto stupro, atque ex domo pontilicis maximi emissum ; tum, inquam, tum vidi, ae multo aute prospexi, quanta tempestas excitaretur, quanta impenderet procella reipublicæ. Videbam, illud scelus tam importunum, audaciam tam immanem adolescentis furentis, nobilis, vulnerati, non posse arceri otii finibus ; erupturum illud malum aliquando, si impunitum fuisset, ad perniciem civitatis.

Non multum milii sane post ad odium accessit ; nihil enim contra me fecit odio mei, sed odio severitatis, odio dignitatis, odio reipublicæ. Non me magis violavit, quam senatum, quam equites romanos, quam omnes bonos, quam Italiam cunetam, non denique in me sceleratior fuit, quam in ipsos deos immortales. Etenim illos eo scelere violavit, quo nemo antea : in me fuit eodem animo, quo etiam ejus familiaris Catilina, si vicisset, fuisset. Itaque eum nunquam a me esse accusandum putavi, non plus, quam stipitem illum, qui, quorum hominum esset, nesciremus, nisi se Ligurem ipse esse diceret. Quid enim hunc persequar, pecudem ac belluam, pabulo inimicorum meorum et glande corruptum ? qui sisensit, quo sese scelere devinxent, non dubito, quin sit miserrimus, sin autem id non videt, periculum est, ne se stuporis excusatione defendat.