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de leur œuvre ; ils disposent l’âme à de dangereuses impressions ; ils amollissent le cœur ; ils nous énervent, nous affaiblissent, nous rendent incapables de résister à la passion. Et quel exemple donnent les acteurs et les actrices, gens avares et prodigues, accablés de dettes et versant les écus à pleines mains, propres à toute sorte de personnages, ne cultivant que le talent de tromper les hommes, étalant toujours d’autres sentiments que les leurs, livrés au désordre, menant une vie scandaleuse !

Faut-il réfuter Rousseau ? Faut-il reprocher à l’auteur du Devin du village de se contredire et de dénoncer le poison qu’il a lui-même composé ? Faut-il lui rappeler qu’il conduira son disciple Emile aux spectacles, parce qu’il n’y a point d’endroit « où l’on apprenne si bien l’art de plaire aux hommes et d’intéresser le cœur » ? Faut-il lui répondre que le théâtre est un délassement, un des plaisirs qui nous reposent le mieux de nos travaux et de nos ennuis, et — Jean-Jacques l’avoue — qu’il distrait le peuple de ses misères ? Qu’il n’est pas une école de morale ; mais — Jean-Jacques l’avoue — qu’il « maintient et perfectionne le goût » et que, s’il ne corrige personne, il corrige tout le monde, ne serait-ce qu’en incarnant le vice dans des types immortels comme celui de Tartufe ? Que l’Alceste de Molière n’est pas ridicule et — Jean-Jacques l’avoue — qu’il ne laisse pas, malgré ses incartades, de nous inspirer un respect profond ? Qu’il y a des comédiens qui sont d’honnêtes gens, et — Jean-Jacques l’avoue — que