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Claude Paysan

sautillant, comme par envie de se passer sur ces bâtons luisants qui sillonnaient l’air de leurs angles rapides. Jacques aurait pu les saisir avec la main, mais il n’essayait pas, car il ne fallait point rompre le mouvement alternatif de la cadence.

Du train qu’ils y allaient… pan — pan… pan — pan ils auraient bientôt fini, nos deux gars.

Ils entassaient d’abord les épis en couches égales sur toute la surface sonore de l’aire, puis reculant pas à pas ils les frappaient hardiment de leurs fléaux, si vite levés, si vite rabattus. Et ils frappaient ainsi sans arrêt jusqu’à ce que tout fut égrené, haché par les coups répétés. L’airée finie, ils enlevaient la paille, raclaient le blé amassé comme des perles d’or sur les planches de la « batterie » et recommençaient.

Aujourd’hui Jacques était venu aider Claude ; demain, ce serait Claude qui irait. Ainsi, à deux, ils harmonisaient mieux la cadence.

Les fléaux se renvoyaient gaiement, en échos précipités, leurs sourds pan-pan, et à la longue, ça devenait comme un joyeux galop musical qui les tenait en mesure à deux temps et activait le buttage comme un accompagnement.

Des fois c’en était vraiment un… Pan — pan… pan — pan… et Jacques attaquait tout à coup quelques vieux airs du pays, d’anciennes chansons qui se conformaient mieux au rythme monotone des fléaux.

Le plus souvent c’était la mélopée écolière et si mélancolique, au refrain toujours repris de « Frère Jacques. » Elle s’adaptait si bien à la situation par l’air, par le nom, par l’espèce d’à propos des mots