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Claude Paysan
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Ensuite, c’est quand son père était mort, l’automne dernier, qu’il l’avait de nouveau rencontrée… Il conservait encore en souvenir du pauvre vieux, les fleurs qu’elle avait déposées sur son cercueil… Qu’elle avait donc été bonne alors pour sa mère !…

Il s’assit un moment sur une javelle pour se reposer un peu et débrouiller ses idées en même temps, mais il ne le put.

… Au revoir, monsieur Claude, encore…

C’était là, devant lui, près de ce tournant de route, qu’il venait de vider, dans son tablier sentant toujours la lavande, son plein chapeau de cerises. Tout d’abord, oui, il s’était senti pris de sa même gêne sauvage devant elle, mais ensuite, il se l’avouait intimement, il lui avait parlé assez à l’aise… Si son pantalon — comme par exprès, car sa vieille mère Julienne le tenait toujours si proprement — n’eût pas été tant déchiré au genou, aussi…

Quant à ses cerises, vraiment, il ne savait pas comment il s’était décidé à les lui offrir. Elle avait dû le trouver singulier ; peut-être s’était-elle même moquée de lui ?… Elle aimait tant à rire… Plus il y pensait maintenant, plus il trouvait qu’il avait été gauche et ridicule ; plus il restait stupéfié de sa propre audace — lui, ce paysan… elle, cette demoiselle…

Non, jamais, il n’oserait paraître devant elle à l’avenir, se prévoyant plus honteux, plus sauvage.

Pourvu qu’elle ne le dise point à sa mère.

En lui-même, ne sachant pas bien pourquoi, ceci l’inquiétait plus que tout le reste, la crainte que sa vieille mère connût sa rencontre et sa conversation avec Fernande… Jacques aussi, il ne voulait point qu’il sût.