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Claude Paysan
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qu’il l’entendait cogner aux planches du perron ses grosses bottes pour en secouer le grésil et la neige, il lui semblait alors qu’il n’y avait rien de bon comme ça. Il accourait au-devant de lui dans un élan, le prenait gaiement par les épaules et l’entraînait comme un enfant s’asseoir sur le grand sofa brun.

Après. Jacques, qui se laissait faire en riant, lui racontait des histoires intimes, des tours amusants qu’on lui avait appris, après la messe le dimanche, sur le compte de Julie Legault, de Gertrude, de la petite Louise Breton, du grand Magloire ; et la vieille Julienne, prêtant l’oreille souriait en les écoutant.

S’ils en parlaient beaucoup des filles, c’était toujours en se moquant d’elles, dédaigneux tous les deux, par exemple. Jacques ne les toisait jamais que du haut de sa crânerie et de son indifférence de garçon sauvage « qui connaît ça » ; Claude, comme s’il n’en rencontrait jamais qui valussent seulement la peine qu’on se retournât pour les voir.

Et blaguant ainsi dans leurs entretiens, il était toujours « déjà onze heures » quand ils pensaient au sommeil.

Alors, Jacques repartait avec un « bonsoir, Claude, » où il mêlait une dernière réflexion d’ironie cosmique et fine sur le compte de celle-ci ou de celle-là.

Ils les passaient toutes à peu près ainsi, leurs longues soirées d’hiver, dans un calme tranquille et reposant. Mais le jour, c’était le dur charriage du bois pour l’été suivant, par des chemins péniblement battus ici et là, à travers les neiges entassées sous les arbres des forêts ; c’était le monotone battage des grains sur l’aire dans les granges ; c’était la litière, la nourriture régulièrement distribuée soir et matin aux bestiaux. Ils appelaient ça « faire le train. »