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Claude Paysan

— Il était bien chanceux — c’était Claude qui contait — d’avoir ces beaux jours pour ses travaux de la terre… Il se hâtait… presqu’en avant de tous ses voisins… bien que seul maintenant…

Seul, maintenant… Claude avait retenu la suite de la phrase dans sa gorge…

Il y avait souvent ainsi dans leurs conversations de ces arrêts embarrassés, de ces silences gênés. C’est qu’ils sentaient encore tous deux à leur esprit le souvenir si vivant du vieux disparu : et alors les phrases commencées, qui allaient réveiller à leur tour des impressions trop vives, ils les interrompaient subitement … avec leurs deux seuls regards tristes pour les achever.

— Bien bon aussi ce Jacques, continuait Claude… et si robuste… Il ne savait pas trop comment le remercier… car combien de fois n’était-il pas accouru à travers les champs pour l’aider…

— Oh ! oui, en effet, reprenait la vieille mère… c’était comme leur voisine, mademoiselle Fernande… tu ne la vois point toi, toujours à ton champ… mais à tout propos, sans gêne, sans honte, elle accourt visiter sa vieille Julienne… Elle s’assied, me parle… et je me sens presqu’heureuse de son bonheur, de son bon rire serein… Et cette manière si fine, si gentille, si délicate de donner sans que je puisse refuser ; vrai, c’est comme si c’était moi qui lui ferais l’aumône… Ainsi, ces oranges… tu sais…

… Comme Claude s’en allait tout à coup : Vas-tu dormir déjà ?… lui demanda-t-elle.

Mais Claude, qui continuait de grimper dans sa petite chambre, sous le toit, n’avait rien répondu.