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Claude Paysan

chéris lui montaient aux lèvers comme dans un rêve ; et il se surprenait, à chaque fois que l’écho morne de la vieille horloge le rappelait légèrement à lui, à répéter machinalement des syllabes dont il ne s’expliquait point le sens.

Parfois encore, dans la douteuse lumière grise de sa chambre, l’image attristée de sa mère lui apparaissait comme réelle, penchée au-dessus de lui. La pauvre cherchait à le prendre dans ses bras, à lui fermer les paupières, à le bercer comme un tout petit enfant pris de fièvre ; elle voulait absolument le tirer de ses vilains songes, le caresser ; elle le conjurait de dormir, tout bas, si tendrement, en lui fredonnant un naïf refrain oublié sur un air voilé de berceuse d’autrefois.

Puis, en même temps, à côté d’elle, une autre image se dressait aussi, inattendue. Oh ! combien douce aussi celle-là, avec son expression de pitié douloureusement lugubre et mourante. Il devinait les indécises questions qui flottaient sur sa bouche et qu’elle n’osait articuler… Lui-même voulait répondre mais aussitôt ding… ding… le timbre de l’horloge qui l’éveillait en sursaut en vibrant avec sonorité et le laissait de nouveau avec des bribes de phrases inachevées aux lèvres…

… Vers le matin, tous ses vertiges, ses visions, ses songeries, ses oppressions s’envolèrent.

… Il pensa bien à s’étendre sur son lit pour se reposer, dormir un moment ; mais comme c’était déjà le jour qui filtrait par la fenêtre, il serra ses lettres et ses fleurs dans un tiroir de son vieux meuble, il mit son chapeau, ses grosses bottes, et descendit sans bruit pour aller soigner ses chevaux…