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Claude Paysan
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comme à un consolateur et qu’ils étaient partis tous deux, l’un devant l’autre.

Au milieu des prairies, le long des ravins, dans l’ombre fraîche des bois, au bruit des craquements de » branches sèches sous ses pas, Claude avait en effet senti s’adoucir l’amertume de ses pensées.

Peu à peu d’anciens souvenirs lui venaient en reconnaissant les sentiers escarpés qu’il avait si souvent parcourus avec Jacques sur les penchants de la montagne.

Là, c’étaient des fraises, des framboises, des mûres qu’il se rappelait avoir cueillies autrefois, des merises aussi, des petites merises sauvages toutes pourpres et dures, qu’il partageait alors en large cœur avec les grives gourmandes. Là, dans ce creux de rocher — il s’en souvenait bien, Jacques y était, un autre gamin d’école comme lui, puis Jean, son frère plus âgé, maintenant mort, le pauvre — ils avaient fait un grand feu pour faire cuire des écureuils à la broche… Et ils en avaient mangé… Rien que d’y repenser, ça le faisait encore sourire…

Sous les érables dominant la plaine, ce carré d’ombre et de verdure qu’il retrouvait à présent, qui était la place aux dinettes, aux gambades, aux courses folles, aux étourdissantes culbutes…

Oh ! ici, tout près, perdue dans les bois, toute criblée de grains de plomb par les chasseurs en passant, il reconnaissait la cabane à sucre du père Legault.

Il l’ouvrit avec précaution, avec mystère, comme avec l’idée d’y surprendre dans les coins quelqu’ombre rajeunie de lui-même qui mangerait encore de la « trempette ». Il ne surprit que quelques souris blanches qui coururent se terrer de toute la vitesse de leurs petites pattes… Gardien fit wooh, puis deux bonds, et se colla en vain le museau au rebord déjà vide du trou de vrille par où elles s’étaient évanouies.