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DE L’ELBE AUX BALKANS

slovaquie. Au moment où nous passons, en cette fin d’octobre 1928, les hautes cheminées ont un imposant panache de fumée noire et les mille tuyaux qui partout pointent des toitures ont un halètement continu : les ateliers s’activent à la construction de locomotives, d’automobiles, de tracteurs ou d’instruments aratoires.

Dès l’arrêt en gare de Plzen, un cri multiple, que répercute l’immense marquise : Pivo ! Pivo ! met toutes les têtes à la portière, fait se tendre tous les bras. Ce sont les garçons du buffet qui crient la fameuse bière du cru. Leurs clients sont nombreux, qui font leur goûter d’une saucisse bouillie arrosée d’une chope.

Maintenant le train roule à travers une campagne mamelonnée, partout cultivée, semée d’usines fumantes et trépidantes. La nuit est tombée quand on aborde les faubourgs de Prague. Au passage de la Vltava, la ville nous salue des mille lueurs de ses illuminations qui, au bord de l’eau, non loin de nous, découpent sur le ciel sombre les lignes harmonieuses d’un monument : le Théâtre National.

Passé un tunnel, c’est le tumulte de l’arrivée. À la descente du wagon, je suis pris dans un remous de foule. Inattendues, des mains amies se tendent vers moi. Une nuée d’officiels m’entoure, mêlée d’uniformes français. Je suis confus. En quel honneur m’accueille-t-on ainsi ? Un ami français m’explique la chose : la ville de Prague reçoit les délégués du Gouvernement français et de la Ville de Paris à l’inauguration du monument d’Ernest Denis. Ils ont, sans que je m’en doute, voyagé dans le même train que moi. On me croit des leurs. Je m’esquive pour échapper aux échanges de discours, mais je serai le lendemain à l’inauguration, heureux de me trouver parmi ceux qui rendent hommage à un grand