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n’avait réellement été qu’une comédie du passé, un spectacle héraldique, ou même une réaction sentimentale telle qu’elle en avait pu rêver jadis, elle se serait résignée à l’abandonner. Mais désormais, de toute son intelligence et sa conscience, elle était convaincue que déserter cette cause serait déserter son drapeau dans une grande guerre. La dénonciation des oppresseurs de Hendry, en termes humains et touchants, avait encore affirmé sa conviction : la cause était celle du vieil ami de son père et de son père lui-même. Mais, par une ironie du sort, ce qui l’avait le plus convaincue de la justice du grand ennemi de Braintree, c’était la sincérité de son hommage à Braintree. Sans un mot à qui que ce soit, Olive sortit par la porte principale et prit le chemin de la ville.

Tandis qu’elle s’avançait lentement à travers les tristes faubourgs, vers le centre de la ville manufacturière, elle s’aperçut qu’elle avait franchi une frontière et qu’elle parcourait un monde qu’elle ne connaissait pas. Elle était allée cent fois dans des villes semblables et souvent dans celle-là même, puisqu’elle était la plus proche de Seawood-Abbey, le château de son ami. Mais comme quelqu’un qui découvre une nouvelle dimension, elle réalisait qu’il y avait, qu’il y avait toujours eu, un autre monde à côté du sien, un monde dont elle n’avait jamais entendu parler, ni par les journaux, ni par les hommes politiques, même dans leurs causeries d’après-dîner. Le paradoxe était que journaux et politiciens n’étaient jamais si muets sur ce sujet que lorsqu’ils étaient censés en parler.

La grande grève qui avait débuté au loin, dans les mines, durait depuis un mois ; Olive et ses amis la regardaient comme une révolution : en quoi ils étaient d’accord avec le groupe peu nombreux, mais déter-