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drôle de chose ! Il ne se doute pas qu’il détonne. Bien difficile de faire comprendre aux gens qu’ils ne sont pas à leur place !

Archer retomba dans un triste silence et, en compagnie de ses associés, s’installa pour écouter avec nervosité un dialogue qui commençait entre le nouveau venu et le potentat sur son trône. Ils étaient anxieux de savoir comment cette procession absurde, qui semblait sortir d’une farce en trois actes, avait germé dans l’imagination du roi halluciné. Leur inquiétude s’accrut quand ce malappris de Murrel insista pour interpeller le trône, avec une politesse un peu burlesque. Il semblait en appeler au Roi d’Armes, puisque ce personnage remplissait maintenant les doubles fonctions de Premier Ministre et de Seigneur du lieu, à propos de ses dernières aventures personnelles, ces vagues flâneries au bout desquelles il était tombé sur les ruines d’un hansom-cab. Archer entendit ses impertinences polies s’enchaîner peu à peu en un long monologue. Le Singe racontait certainement une histoire, une longue histoire, mais diablement insignifiante, pensait Archer.

D’abord, il avait été dans une boutique. Puis dans une autre, à moins que ce ne fût dans une autre partie de la même boutique. Puis il avait été dans un cabaret. Comme si un gentleman ne pouvait pas se faire servir discrètement tout ce qu’il veut dans sa chambre ! Il semblait ensuite avoir entrepris une promenade Dieu sait où, puis lié conversation avec un cocher de fiacre, Dieu sait pourquoi ! Puis il était allé dans un bouge quelconque au bord de la mer, et était entré en conflit avec la police. Il semblait avoir joué un mauvais tour à un médecin chargé d’un fou, en sorte qu’on avait enfermé le docteur au lieu du fou. Dommage qu’on n’eût pas tranché le différend