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la manière dont il s’adressait de préférence au major Murray. Mais une telle préférence ne doit pas nous surprendre. Les deux hommes devaient ressentir de la sympathie l’un pour l’autre ; ils lisaient tous deux leur Bible ; ils appartenaient l’un et l’autre à l’ancien type du soldat religieux. Quoi qu’il en soit, il est évident que, lorsque le général remonta en selle, il parlait encore sérieusement avec Murray. Tandis que son cheval descendait la route vers la rivière, le puritain irlandais marchait à ses côtés. Les soldats virent les deux officiers disparaître derrière un bouquet d’arbres, au tournant de la route. Le colonel regagna sa tente et les hommes leur piquet, mais l’auteur du journal s’attarda quelques minutes et assista à un spectacle surprenant.

Le grand cheval blanc, qui avait descendu tranquillement la route, du pas qu’il avait pris au cours de maintes processions, revint, au grand galop, vers le camp, dans une course folle. Le soldat crut d’abord qu’il s’était emballé, mais il s’aperçut bientôt que le général, excellent cavalier, le poussait de tous ses forces. Cheval et cavalier arrivèrent sur lui comme un tourbillon, puis le général, arrêtant brusquement son coursier tremblant, tourna vers lui un visage empourpré et appela le colonel avec une voix semblable à la trompette du jugement dernier.

Je conçois que les événements de cette épouvantable catastrophe ont dû tomber les uns sur les autres, dans l’esprit des soldats, comme les murs d’une maison qui s’écroule. Étourdis, comme dans un rêve, ils tombèrent littérale-