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sous bois, comme un lapin dans son terrier. L’entrée de la forêt, au loin, semblait petite et ronde, comme l’orifice d’un tunnel de chemin de fer. Mais elle n’était pas à plus de cent mètres et s’ouvrait, béante, comme une caverne, lorsque Flambeau reprit la parole.

— J’ai trouvé, cria-t-il enfin, en se frappant la cuisse de sa main puissante. Il m’a suffi de quatre minutes de réflexion pour reconstituer toute ton histoire.

— À la bonne heure, approuva son ami. Conte-la-moi.

Flambeau leva la tête, mais baissa la voix.

— Le général Sir Arthur Saint-Clare, dit-il, appartenait à une famille où la folie était héréditaire, et il voulait, avant tout, cacher ce secret à sa fille et, si possible, à son futur gendre. À tort ou à raison, il crut sentir le moment fatal approcher, et résolut de se suicider. Un suicide ordinaire eût pourtant propagé l’idée même qu’il redoutait. À l’issue de la campagne, des nuages de plus en plus épais obscurcirent sa raison, et enfin, dans un mouvement de folie, il sacrifia son devoir d’homme public à son devoir d’homme privé. Il se précipita témérairement dans la mêlée, dans l’espoir de périr dès les premiers coups. Lorsqu’il constata qu’il n’avait réussi qu’à se faire prendre et à ruiner sa réputation de soldat, la bombe, qui se trouvait scellée dans son cerveau, éclata. Il brisa son épée et se pendit.

Flambeau regarda le mur gris de la forêt qui s’étendait devant lui, dans lequel la route creu-