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vulguer ses secrets de famille. Paul erra sur la rivière jusqu’à ce qu’il eût assisté à l’issue du combat. Alors, mais alors seulement, il donna l’alarme, ramena la police, vit ses deux ennemis vaincus disparaître pour jamais de l’île et s’assit, en souriant, devant son dîner.

— En riant, que Dieu nous soit en aide ! dit Flambeau avec un grand frisson. Est-ce Satan qui lui a donné cette idée ?

— C’est toi, répondit le prêtre.

— Que Dieu m’en préserve ! s’exclama Flambeau. Moi ! Que veux-tu dire ?

Le prêtre tira une carte de visite de sa poche et l’éclaira à la faible lueur de son cigare. Elle portait quelques lignes d’écriture tracées à l’encre verte.

— As-tu oublié l’invitation qu’il t’a envoyée ? demanda-t-il, et ses félicitations pour tes exploits ? « Votre dernier truc, dit-il, par lequel vous avez réussi à faire arrêter un détective par un de ses collègues… » Il a copié ton truc. Se trouvant entre deux ennemis, il s’est éclipsé prestement et leur collision fut mortelle.

Flambeau arracha la carte des mains du prêtre et la déchira sauvagement en petits fragments.

— Noyons ce vieux squelette, dit-il en jetant les bouts de carton dans le courant sombre et rapide ; je crains seulement qu’il n’empoisonne les poissons.

La dernière trace de la carte et de l’encre verte disparut sous les vagues ; une pâle lumière vibrante éclaira le ciel, comme à l’aube, et, derrière les hautes herbes, la lune se leva,