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— Je m’explique, répondit-il, et j’affirme que notre prétendue civilisation me fait pitié, que nous sommes encore dans un âge de barbarie, ou l’État punit les hommes, parce qu’il ne sait pas les élever.

— Vous êtes donc d’avis qu’il ne faut punir personne ?

— Je suis d’avis et je soutiendrai jusqu’à mon dernier soupir qu’il se fait dans la triste société où nous vivons une immense déperdition de forces utiles, que les prisons sont pleines de gens d’esprit dont on n’a pas su utiliser le mérite. Écoutez-moi bien ; il y a dix à parier contre un que le braconnier dont vous parlez est un homme très intelligent, qui braconne faute de pouvoir faire autre chose.

— A ce compte, les faux monnayeurs…

— Contestez-vous leur talent ? Aussi vrai que j’existe, le législateur de l’avenir saura faire servir au bien commun tous les talents. »

L’ex-commissaire, fort agacé, s’écria :

« Dieu bénisse les voleurs ! le législateur de l’avenir les emploiera à garder nos poches.

— Monsieur, répliqua-t-il avec un sourire sardonique, sauriez-vous me dire ce que c’est qu’un voleur ?

— Eh ! morbleu, un voleur…