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KANT — KANT

leur école, et ou dispute aussi pour savoir ce qu’ils ont pensé, tant ils ont mis de prix à être entendus. Cependant cette doctrine hiéroglyphique a été adoptée dans plusieurs universités de l’Allemagne, et on a beaucoup écrit pour et contre. Il ne semble pas que ces progrès du kantisme aient contribué à fortifier la religion en Allemagne ; la vogue de la raison pure parmi les professeurs et parmi leurs élèves a secondé, au contraire, la propagation de l’esprit, d’incrédulité. » Cette opinion sur la doctrine de Kant n’est pas dépourvue de partialité. Il suffit, pour le prouver, de dire qu’elle est d’un écrivain éminemment catholique. On sait depuis long-temps combien cette classe de critiques est intolérante pour tout ce qui porte le nom de philosophie. On trouve dans l’ouvrage de Mme de Staël, intitulé : de l’Allemagne, une ingénieuse analyse de la doctrine de Kant. Nous en emprunterons quelques traits. Kant a vécu, dit cette femme célèbre, jusque dans un âge très-avancé, et jamais il n’est sorti de Kœnigsberg ; c’est là qu’au milieu des glaces du nord, il a passé sa vie entière à méditer sur les lois de l’intelligence humaine. Une ardeur, infatigable pour l’étude, lui a fait acquérir des connaissances sans nombre. Les sciences, les langues, la littérature, tout lui était familier, et, sans rechercher la gloire dont il n’a joui que très-tard, n’entendant que dans sa vieillesse le bruit de sa renommée, il s’est contenté du plaisir silencieux de la réflexion. Solitaire, il contemplait son ame avec recueillement ; l’examen de la pensée lui prêtait de nouvelles forces à l’appui de la vertu, et, quoi qu’il ne se mêlât jamais avec les passions ardentes des hommes, il a su forger des armes pour ceux qui seraient appelés à les combattre. On n’a guères d’exemple que chez les Grecs d’une vie aussi rigoureusement, philosophique, et déjà cette vie répond de la bonne foi de l’écrivain. À cette bonne foi la plus pure, il faut encore ajouter un esprit fin et juste qui servait de censeur au génie, quand il se laissait emporter trop loin. C’en est assez, ce me semble, pour qu’on doive juger au moins impartialement les travaux persévérans d’un tel homme. Kant publia d’abord divers écrits sur les sciences physiques, et il montra dans ce genre d’étude une telle sagacité que c’est lui qui prévit le premier l’existence de la planète d’Uranus : Herschel, lui-même, après l’avoir découverte, a reconnu que c’était Kant qui l’avait annoncée. Son traité sur la nature de l’entendement humain, intitulé, Critique de la raison pure, parut il y a près de trente ans, et cet ouvrage fut quelque temps inconnu ; mais lorsqu’enfin on découvrit les trésors d’idées qu’il renferme, il produisit une telle sensation en Allemagne, que presque tout ce qui s’est fait, depuis lors, en littérature comme en philosophie, vient de l’impulsion donnée par cet ouvrage. À ce traité.sur l’entendement humain, succéda la Critique de la raison pratique, qui portait sur la morale, et la Critique du jugement, qui avait la nature du beau pour objet ; la même théorie sert de base à ces trois traités qui embrassent les lois de l’intelligence, les principes de la vertu et la contemplation des beautés de la nature et des arts…