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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

chemin pour la montrer à la dérobée à sa fille et à son fils. N’est-elle pas bien coupable ? elle s’obstine à réclamer pour Henri un titre vain. Pour se tirer de la position la plus simple, on étale aux yeux de l’Autriche et de la France (si toutefois la France aperçoit ces néantises) un spectacle qui rendait la légitimité, déjà trop ravalée, la désolation de ses amis et l’objet de la calomnie de ses ennemis.

Madame la dauphine sent les inconvénients de l’éducation de Henri V, et ses vertus s’en vont en larmes, comme le ciel tombe la nuit en rosée. Le court instant d’audience qu’elle m’accorda ne lui permit pas de me parler de ma lettre de Paris du 30 juin ; elle avait l’air touchée en me regardant.

Dans les rigueurs mêmes de la Providence, un moyen de salut semblait se cacher : l’expatriation sépare l’orphelin de ce qui menaçait de le perdre aux Tuileries ; à l’école de l’adversité, il aurait pu être élevé sous la direction de quelques hommes du nouvel ordre social, habiles à l’instruire de la royauté nouvelle. Au lieu de prendre ces maîtres du moment, loin d’améliorer l’éducation de Henri V, on la rend plus fatale par l’intimité que produit la vie resserrée en famille : dans les soirées d’hiver, des vieillards, tisonnant les siècles au coin du feu, enseignent à l’enfant des jours dont rien ne ramènera le soleil ; ils lui transforment les chroniques de Saint-Denis en contes de nourrice ; les deux premiers barons de l’âge moderne, la Liberté et l’Égalité, sauraient bien forcer Henri sans terre à donner une grande charte.

La dauphine m’avait engagé à faire la course de