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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

parmi les royalistes de pure race, affirmant que ces trognons précieux ont écrit le superbe Mémoire sur la captivité de madame la duchesse de Berry.

Quelques bons tableaux de l’école espagnole et italienne, une vierge de Guérin, la Sainte Thérèse, dernier chef-d’œuvre du peintre de Corinne[1], nous font tenir aux arts. Quand à l’histoire, nous aurons bientôt à l’hospice la sœur du marquis de Favras et la fille de madame Roland : la monarchie et la république m’ont chargé d’expier leur ingratitude et de nourrir leurs invalides.

C’est à qui sera reçu à Marie-Thérèse. Les pauvres femmes obligées d’en sortir quand elles ont recouvré la santé se logent aux environs de l’Infirmerie, se flattant de retomber malades et d’y rentrer. Rien n’y sent l’hôpital : la juive, la protestante, la catholique, l’étrangère, la Française y reçoivent les soins d’une délicate charité qui se déguise en affectueuse parenté ; chacune des affligées croit reconnaître sa mère. J’ai

  1. La Sainte-Thérèse du baron Gérard décorait depuis 1828 la chapelle de l’Infirmerie de Marie-Thérèse. Le 5 mars de cette année 1828, Chateaubriand, à l’occasion de ce tableau, avait adressé à l’éditeur du Globe la lettre suivante :
    Monsieur,

    Je viens de lire dans votre excellent journal l’article où vous avez annoncé la Sainte-Thérèse de M. Gérard, ouvrage véritablement incomparable et destiné par ce grand peintre à l’hospice qui doit son établissement au zèle et à la charité de Mme de Chateaubriand.

    Mme de Chateaubriand et moi, Monsieur, loin d’être avares du chef-d’œuvre que l’on nous confie, désirons qu’il soit communiqué à tous. C’est dans ce sens que j’ai répondu à une lettre que le comte de Forbin m’avait fait l’honneur de m’écrire. Je me reprocherais trop de soustraire à sa juste renommée le nouveau chef-d’œuvre de M. Gérard : la gloire, en France, est une de nos libertés publiques, tout le monde est appelé à en jouir et à l’admirer.

    Agréez, etc.

    Chateaubriand.