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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Napoléon était toujours persuadé qu’il exerçait sur Alexandre l’empire qu’il avait exercé à Tilsit et à Erfurt, et cependant Alexandre écrivait le 21 octobre au prince Michel Larcanowitz : « J’ai appris, à mon extrême mécontentement, que le général Benningsen a eu une entrevue avec le roi de Naples

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Toutes les déterminations dans les ordres qui vous sont adressés par moi doivent vous convaincre que ma résolution est inébranlable, que dans ce moment aucune proposition de l’ennemi ne pourrait m’engager à terminer la guerre et à affaiblir par là le devoir sacré de venger la patrie. »

Les généraux russes abusaient de l’amour-propre et de la simplicité de Murat, commandant de l’avant-garde ; toujours charmé de l’empressement des Cosaques, il empruntait des bijoux de ses officiers pour faire des présents à ses courtisans du Don ; mais les généraux russes, loin de désirer la paix, la redoutaient. Malgré la résolution d’Alexandre, ils connaissaient la faiblesse de leur empereur, et ils craignaient la séduction du nôtre. Pour la vengeance, il ne s’agissait que de gagner un mois, que d’attendre les premiers frimas : les vœux de la chrétienté moscovite suppliaient le ciel de hâter ses tempêtes.

Le général Wilson, en qualité de commissaire anglais à l’armée russe, était arrivé ; il s’était déjà trouvé sur le chemin de Bonaparte en Égypte, Fabvier, de son côté, était revenu de notre armée du midi à celle du nord. L’Anglais poussait Kutuzof à l’attaque, et l’on savait que les nouvelles apportées par Fabvier n’étaient pas bonnes. Des deux bouts de l’Europe, les