Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t2.djvu/607

Cette page a été validée par deux contributeurs.
577
MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

elle sollicita directement la pairie avec l’ardeur fiévreuse et l’obstination qu’elle mettait à toutes choses. Elle ne laissera plus à Chateaubriand une heure de répit. Elle le poursuit, elle le harcèle, et comme la nomination ne vient pas, elle se répand en plaintes et en reproches. M. Bardoux les tient naturellement pour fondés. Il accuse Chateaubriand d’oublier « au milieu des enivrements du pouvoir » et son amie et le jeune Astolphe. « De toutes les amies, fort anxieuses de lui, dit-il, Mme de Custine était la plus négligée ; les billets que Chateaubriand, ministre, lui envoie, sont bien écrits de sa main, mais il ne prend plus le temps de mettre l’adresse ; c’est un secrétaire qui s’en charge[1]. » — Chateaubriand est ministre des affaires étrangères ; la France est en guerre avec l’Espagne ; c’est sur lui que pèsent à ce moment les plus lourdes responsabilités ; il lui faut faire face à l’opposition de M. Canning et aux attaques des libéraux ; dans le sein même du cabinet, il a des luttes à soutenir ; et s’il lui arrive de charger un secrétaire de mettre une adresse sur un billet, il sera démontré qu’il n’est qu’un égoïste et un lâcheur !! Ici, du reste, comme tout à l’heure pour l’incident de 1804, M. Bardoux n’a pas eu de chance. On ne lui a communiqué que des billets, des billets de deux ou trois lignes et il en prend texte pour accuser Chateaubriand d’ingratitude. Mais à côté de ces billets un peu laconiques, il y en a d’autres qui sont charmants et il ne les a pas connus. Il y a aussi des lettres, de vraies lettres, et il ne les a pas connues davantage. Lettres et billets prouvent que Chateaubriand ne négligeait rien pour faire réussir la candidature d’Astolphe à la pairie. Un moment, il crut avoir partie gagnée, mais le succès espéré ne vint pas. Dans la lettre suivante, il rend compte à Mme de Custine de ce qui s’est passé :

  1. Bardoux, p. 361.