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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

flatter que, du séjour immortel qu’elle habite, ma mère ait encouragé mes efforts ; puisse-t-elle du moins avoir accepté mon expiation !


Cette Préface est une vraie page de mémoires, écrite, non après coup, à distance, mais au moment même de l’événement, et toute vibrante encore de l’émotion ressentie. Elle est de plus le millésime qui marque la vraie date de l’apparition de l’ouvrage de Chateaubriand. À ce double titre, elle n’aurait jamais dû perdre, et, à l’avenir, il est essentiel qu’elle reprenne sa place en tête du Génie du christianisme.


La première édition du Génie du christianisme fut tirée à quatre mille exemplaires. Dans une seule journée, le libraire Migneret vendait pour mille écus, et il parlait déjà d’une seconde édition. L’ouvrage, je l’ai dit, avait paru le 24 germinal. Le lendemain 25, Fontanes l’annonçait et le mettait, dès ce premier jour, à sa vraie place, dans un article publié dans le Mercure. L’heure, certes, était propice et solennelle. On était à trois jours du dimanche 28 germinal an X[1], le jour de Pâques de l’année 1802, la plus grande journée du siècle, plus glorieuse même que Marengo, plus éclatante encore qu’Austerlitz. Ce jour-là, à six heures du matin, une salve de cent coups de canon annonça au peuple, en même temps que la ratification du traité de paix entre la France et l’Angleterre, la promulgation du Concordat et le rétablissement de la religion catholique.

Quelques heures plus tard, suivi des premiers corps de l’État, entouré de ses généraux en grand uniforme, le premier Consul se rendait du palais des Tuileries à l’église métropolitaine de Notre-Dame, où le cardinal Caprara, légat du Saint-Siège, après avoir dit la messe, entonnait

  1. 18 avril 1802.