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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

lady Byron[1] à Paris. La faiblesse et la vertu me sont ainsi apparues : la première avait peut-être trop de réalités, la seconde pas assez de songes.


Maintenant, après vous avoir parlé des écrivains anglais à l’époque où l’Angleterre me servait d’asile, il ne me reste qu’à vous dire quelque chose de l’Angleterre elle-même à cette époque, de son aspect, de ses sites, de ses châteaux, de ses mœurs privées et politiques.

Toute l’Angleterre peut être vue dans l’espace de quatre lieues, depuis Richmond, au-dessus de Londres, jusqu’à Greenwich et au-dessous.

Au-dessous de Londres, c’est l’Angleterre industrielle et commerçante avec ses docks, ses magasins, ses douanes, ses arsenaux, ses brasseries, ses manufactures, ses fonderies, ses navires ; ceux-ci, à chaque marée, remontent la Tamise en trois divisions : les plus petits d’abord, les moyens ensuite, enfin les grands vaisseaux qui rasent de leurs voiles les colonnes de l’hôpital des vieux marins et les fenêtres de la taverne où festoient les étrangers.

Au-dessus de Londres, c’est l’Angleterre agricole et pastorale avec ses prairies, ses troupeaux, ses mai-

  1. Miss Milbanks, fille de sir Ralph Milbanks-Noël, héritière de la fortune et des titres de Wentworth, avait épousé lord Byron le 2 janvier 1815. Après un an de mariage et la naissance d’une fille qui fut nommée Ada, lady Byron se retira chez son père et ne voulut plus revoir son époux. « La persévérance de ses refus, dit Villemain, et la discrétion de ses plaintes accusent également Byron, qui, n’eût-il pas eu d’autres torts, appelait sur lui la malignité des oisifs par sa folle colère, et qui fit plus tard la faute impardonnable de tourner en ridicule celle qui portait son nom. »