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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

bout, les autres les commencent, mais ne les achèvent pas.

Tout se dispersa ; les courtisans partirent pour Bâle, Lausanne, Luxembourg et Bruxelles. Madame de Polignac[1] rencontra, en fuyant, M. Necker qui rentrait. Le comte d’Artois,[2] ses fils,[3] les trois Condés[4], émigrèrent ; ils entraînèrent le haut clergé et une partie de la noblesse. Les officiers, menacés par leurs soldats insurgés, cédèrent au torrent qui les charriait hors. Louis XVI demeura seul devant la nation avec ses deux enfants et quelques femmes, la reine, Mesdames[5] et Madame Élisabeth[6]. Monsieur,[7] qui resta jusqu’à l’évasion de Varennes, n’était pas d’un grand secours à son frère : bien que, en opinant dans l’assemblée des Notables pour le vote par tête, il eût décidé le sort de la Révolution, la Révolution s’en défiait ; lui, Monsieur, avait peu de goût pour le roi, ne comprenait pas la reine, et n’était pas aimé d’eux.

Louis XVI vint à l’Hôtel de Ville le 17 : cent mille hommes, armés comme les moines de la Ligue, le

  1. Yolande-Martine-Gabrielle de Polastron, femme du comte, puis duc de Polignac, gouvernante des Enfants de France. Elle mourut à Vienne (Autriche) le 5 décembre 1793.
  2. Le comte d’Artois, depuis Charles X (1757-1836).
  3. Le duc d’Angoulème (1775-1844), et le duc de Berry (1778-1820).
  4. Le prince de Condé (1736-1818) ; — son fils, le duc de Bourbon (1756-1830) et son petit-fils le duc d’Enghien (1772-1804).
  5. Mme Adélaïde, fille aînée de Louis XV, née en 1732, et sa sœur, Mme Victoire, née en 1733. Elles émigrèrent en 1791 et moururent à Trieste, la première en 1800 et la seconde en 1799.
  6. Mme Élisabeth de France, sœur de Louis XVI, née à Versailles le 3 mai 1764, guillotinée le 10 mai 1794.
  7. Le comte de Provence, depuis Louis XVIII (1755-1824).