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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

et qui la fait vivre[1], ni Palissot[2], ni Beaumarchais[3], ni Marmontel[4]. Il en est ainsi de Chénier[5] que je n’ai jamais rencontré, qui m’a beaucoup attaqué, auquel je n’ai jamais répondu, et dont la place à l’Institut devait produire une des crises de ma vie.

Lorsque je relis la plupart des écrivains du XVIIIe siècle, je suis confondu et du bruit qu’ils ont fait et de mes anciennes admirations. Soit que la langue ait avancé, soit qu’elle ait rétrogradé, soit que nous ayons

  1. Rulhière (Claude-Carloman de), né en 1735 à Bondy, près Paris, mort le 30 janvier 1791. Mme d’Egmont était la fille du maréchal de Richelieu. Ce fut elle, en effet, qui mit à Rulhière la plume à la main. En 1760, il avait suivi, en qualité de secrétaire, le baron de Breteuil, qui venait d’être nommé ministre plénipotentiaire en Russie. « Il assista de près, dit Sainte-Beuve, à la révolution qui, en 1762, précipita Pierre III et mit Catherine II sur le trône. Il s’appliqua, suivant la nature de son esprit observateur, à tout deviner, à tout démêler dans cet événement extraordinaire, et il en fit, à son retour à Paris, des récits qui charmèrent la société. La comtesse d’Egmont, qui était la divinité de Rulhière, lui demanda d’écrire ce qu’il contait si bien : il lui obéit, et, une fois la relation écrite, l’amour-propre d’auteur l’emportant sur la prudence du diplomate, les lectures se multiplièrent. Elles firent événement. » Causeries du lundi, tome IV, p. 436.
  2. Palissot de Montenoy (Charles), né le 3 janvier 1730 à Nancy, mort le 15 juin 1814 ; auteur de la comédie des Philosophes (1760) et du poème de la Dunciade ou la guerre des sots (1764).
  3. Beaumarchais (Pierre-Augustin Caron de), né le 24 janvier 1732, mort le 19 mai 1799.
  4. Marmontel (Jean-François), né le 11 juillet 1723 à Bort (Limousin), mort le 31 décembre 1799.
  5. Chénier (Marie-Joseph de), né le 28 août 1764 à Constantinople, mort le 10 janvier 1811. Chateaubriand fut appelé à le remplacer comme membre de la seconde classe de l’Institut ; l’Académie française n’avait pas encore recouvré son titre, que la Restauration allait bientôt lui rendre (Ordonnance royale du 21 mars 1816).